Il faut parfois laisser les gens s’enfoncer dans leurs erreurs

Avant sa conversion, Saint Augustin a eu une vie plutôt mouvementée. Sa mère, une femme pieuse, désespérée de voir son fils s’enfoncer dans ses erreurs, alla voir un évêque pour le supplier de réfuter les erreurs d’Augustin. Voici quelle fut sa réaction:

Lui, refusa et non sans prudence, pour sûr, comme je m’en rendis compte ensuite. J’étais, selon lui, incapable encore d’instruction, infatué, dans le premier feu de mon sectarisme et pour avoir, plus d’une fois, par des questionnettes, tarabusté (elle le lui avait signalé) bien des gens mal au couran. ” Allons! dit-il, laisse-le; contente-toi de prier pour lui le Seigneur; de lui-même, tout en lisant, il découvrira quelle erreur c’est et quelle grande impiété.” En même temps il raconta comment, tout petit, sa mère abusée l’avait livré aux manichéens et qu’il avait non seulement lu, mais copié à n’en plus finir presque tous leurs livres. Or, sans personne pour discuter et le convaincr, il avait vu comme on doit fuir cette secte-là; il avait donc pris la fuite. Son discours fini, ma mère, qui ne voulait rien entendre, insista avec force prières et avec des torrents de larmes, pour qu’il me vît et s’expliquât avec moi. Lui, excédé et agacé, finit par dire: “Va-t’en! Sur ta vie, ce n’est pas possible que le fils de telles larmes soit perdu.” Parole qu’elle recueillit, elle me le rappelait souvent au cours de nos entretiens, comme un oracle du ciel.”

Saint Augustin, Confession, Livre III.

Recension: “La croix est un scandale”, Don Carson (Europress: 2012)

La croix est un scandale

Carson, Don, La croix est un scandale, réflexions sur la mort et la résurrection de Jésus-Christ, Chalon-sur-Saône  : Europresse, 2012

Don Carson est un auteur prolifique et chacun de ses ouvrages mérite d’être lu. Certains de ses livres peuvent s’avérer difficile d’accès pour le chrétien ordinaire mais celui-ci est accessible a tous ceux qui sans être forcément des intellectuels, prennent la Parole de Dieu au sérieux. Cet ouvrage de 170 pages regroupe une série de conférences données par l’auteur à Seattle en décembre 2008. En cinq chapitres, Carson explique et applique cinq passages clés du Nouveau Testament qui exposent les thèmes centraux de l’évangile que sont la mort et la résurrection de Jésus-Christ. Chaque passage est soigneusement analysé et expliqué avant d’en montrer leur pertinence et application pour le chrétien contemporain.

La plupart des passages sont très connus, mais l’analyse pointu de Carson les montre sous un nouveau jour. Par exemple, seule une lecture approfondie et minutieuse de Matthieu 27:27-51 ainsi qu’une bonne connaissance de la Parole permet d’y détecter l’ironie de la situation  : les soldats se moquent de Jésus dans une mascarade de couronnement. Jésus et privé de tout pouvoir. Au pied de la croix, on se moque de lui parce qu’il est incapable de se sauver lui-même et finalement, il crie de désespoir. Pourtant,comme le démontre Carson  : «  L’homme dont on se moque en le déclarant roi… est bel et bien roi. L’homme qui est privé de tout pouvoir… détient tout pouvoir. L’homme qui ne peut se sauver lui même… sauve les autres. L’homme qui crie au désespoir… fait pleinement confiance à Dieu.  »

Le deuxième chapitre aidera le lecteur à comprendre les premiers chapitre de Romain et la centralité de la croix dans le plan de Dieu. Les notions de rédemption et de propitiation sont soigneusement expliquées et illustrées. Au chapitre trois, Carson se penche sur Apocalypse12. Il prend soin d’éviter le sensationnalisme et s’éloigne d’une interprétation «  littérale  » et s’appuie sur sa connaissance solide de la Parole pour expliquer le symbolisme du chapitre en question. Ainsi, «  le désert n’est pas seulement un lieu de mise à l’épreuve et de tentation. C’est également le lieu où Dieu conduit son peuple avec la tendresse et l’affection d’un jeune amoureux qui désire gagner la faveur de sa belle.  ». Il démontre aussi que les 1260 jours d’épreuves mentionnés dans le passage ne sont pas 3 ans et 1/2 de persécution mais désigne «  la totalité de la période d’épreuves comprise entre la venue de Jésus et son retour  »

Les deux derniers chapitres explorent la résurrection de Lazare en Jean 11, et les doutes exprimés par Thomas sur la réalité de la résurrection.

Ce petit livre sera sans aucun doute bénéfique au chrétien ordinaire qui prend la peine de le lire attentivement. Mais il aidera aussi le prédicateur en offrant un modèle d’exposition à la foi fidèle à la Parole et pertinente pour les chrétiens contemporains.

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Saint Augustin et l’expérience de la providence de Dieu

Ni ma mère ni mes nourrices ne s’emplissaient les mamelles, mais toi, par leur entremise, tu me donnais l’aliment de l’enfance, tel que tu l’as institué, selon les richesses disposées jusqu’au fond des choses. Tu nous donnais, à moi de ne pas vouloir plus que tu ne donnais, aux nourrices de vouloir me donner ce que tu leur donnais: de fait, elles voulaient, en vertu d’un sentiment réglé, me donner ce qui abondait de toi en elles, trouvant leur propre bien au bien qui me venait d’elles. D’elles? Non pas précisément, mais par elles: car tous les biens, ô Dieu, ils viennent de toi, toute santé me vient de mon Dieu, comme plus tard je l’ai reconnu, toi-même me le proclamant, au dedans et du dehors, par tes dons. pour lors, je savais téter et me tenir tranquille ou pleurer, selon que j’éprouvais dans ma chair bien-être ou malaise; cela sans plus.

Saint Augustin, Confessions, Livre 1

Recension: “L’évangile, notre fondement”, Collectif (Éditions CLE, IMPACT, IBG)

L’évangile, notre fondement

D.A. Carson et Timothy Keller (ed), L’Évangile, notre fondement, les brochures de la gospel coalition, Lyon  : éditions Clé, 2012.

L’évangile, notre fondement est le premier d’une série de 4 volumes qui regroupent 14 brochures initialement publiées en anglais par la Gospel Coalition. Celle-ci a été fondée aux USA par le théologien Don Carson et le pasteur Tim Keller, autour du désir de «  réaffirmer la centralité de l’  Évangile pour la vie du croyant et de l’Église, et pour la pratique du ministère  » (p10). Elle «  rassemble des Églises et des chrétiens de plusieurs dénominations, unis non seulement par la foi dans l’Évangile biblique, mais également par la conviction qu’il faut aujourd’hui renforcer, encourager et promouvoir un ministère centré sur l’Évangile.  »

Ce premier volume et les suivants ont pour but d’expliquer et de développer chacun des 13 articles de la confession de foi de la Gospel Coalition. Il a été publié à l’occasion du séminaire  : «  Un ministère centré sur l’évangile  » qui s’est déroulé du 10 au 12 Mai 2012 à l’Institut Biblique de Genève avec comme orateurs principaux Don Carson, John Piper et Henri Blocher.

On trouve dans ce premier volume une préface de Mike Evans, ancien directeur de l’Institut Biblique de Genève (IBG) qui présente la gospel coalition aux lecteurs francophones qui n’en auraient pas entendu parler. Cette introduction est suivie d’un premier essai qui s’intitule «  Un ministère centré sur l’Évangile  » écrit par Carson et Keller. Les auteurs exposent les grandes lignes du projet de la gospel coalition  : son fondement confessionnel et leur vision du ministère. Selon eux, «  le ministère centré sur l’évangile est un mandat biblique. C’est la seule forme de ministère qui, simultanément, aborde le besoin humain tel que Dieu le voit, poursuit et étend l’oeuvre évangélique accomplie à d’autres époques et dans d’autres cultures, et met au centre ce que Jésus lui-même a estimé central  » (p 29).

Le deuxième essai est, pour reprendre les mots de son auteur  : «  une déclaration d’intention qui porte sur la manière dont nous envisageons de nous acquitter du ministère chrétien et d’interagir avec notre culture, en tout fidélité biblique et théologique  » (p33).

Le dernier essai s’intitule «  Le projet de Dieu  ». c’est le plus facile à lire. Il trace les contours d’une théologie biblique. «  Le plan de Dieu a toujours été de conduire des pécheurs à la vie éternelle par l’oeuvre de Christ.  » (p51). Il retrace les grandes lignes du développement du plan de Dieu à travers l’Ancien Testament, et de son accomplissement en Jésus-Christ.

Certains se demanderont peut-être pourquoi la confession de foi mentionnée plusieurs fois dans ce volume n’a pas été publiée avec celui-ci. Celle-ci peut être consultée librement et gratuitement sur le web. Il a semblé sage aux organisateurs «  de ne pas anticiper les suites de ce séminaire en francophonie et de réserver la publication de cette confession pour une occasion future  »(Mike Evans). De plus, plusieurs organismes de formation avaient accepté de participer à ce projet et les organisateurs du séminaire pensaient qu’il était «  important de ne pas les associer à un document qu’il ne partageraient peut-être pas tous  » (Mike Evans). L’absence de la confession de foi est un inconvénient mineur si vous n’avez pas accès à internet lorsque vous lisez ce volume. Il serait judicieux de lire ce document ou de l’imprimer au préalable. Néanmoins, ce choix éditorial n’ampute en rien ces documents de leur fondement théologique (Mike Evans).

Ce premier volume des brochures de la gospel coalition est précieux. Le monde évangélique Francophone a un besoin désespéré de prendre conscience de la centralité de l’évangile dans tous les aspects du ministère et de la vie chrétienne. Le lecteur devra s’accrocher, mais la lecture de ces documents sera sans aucun doute profitable à tous ceux qui prennent le temps de les lire et de réfléchir à leurs implications dans leur ministère.